CE 7 JANVIER 2015 je dénonce la marche vers le non-vivre qui est comme à son habitude, lâche alors heureux, ignorant volontaire, fossoyeur et suicidaire qui agit dans l'obscurité frustrée; mal baisée. Celle-même qui ose encore échouer aux pieds de la joie et de la force de vivre.
A ceux qui ont toujours pris de la distance critique à propos de nos sociétés, nos arts, nos engagements et nos gouvernements. Une Pensée forte va vers eux.
BrianMura.txt
L'épaisseur d'un jour
Tandis que les mains hurlent un triste carnaval de braises rouges
à l'oreille d'un sentiment déjà ligoté et pluvieux,
la fine bretelle sous le chemisier ouvert écoute; tout deux, pleurent aussi
l'étendue maintenant tachée d'un chagrin gluant
quand sexes et plumes ne font plus de musique,
des fleurs aux parfums tordus poussent sur cette terre ravagée
les os des souvenirs se sont finalement rompus
en imitant les contours anarchiques d'un miroir mille fois brisé,
aux reflets encore mille fois plus sales
les restes fatigués de l'horizon en ruine
sont jetés à la merci des pieds d'une rue hostile,
dans la maigre et pâle épaisseur d'un jour
à l'oreille d'un sentiment déjà ligoté et pluvieux,
la fine bretelle sous le chemisier ouvert écoute; tout deux, pleurent aussi
l'étendue maintenant tachée d'un chagrin gluant
quand sexes et plumes ne font plus de musique,
des fleurs aux parfums tordus poussent sur cette terre ravagée
les os des souvenirs se sont finalement rompus
en imitant les contours anarchiques d'un miroir mille fois brisé,
aux reflets encore mille fois plus sales
les restes fatigués de l'horizon en ruine
sont jetés à la merci des pieds d'une rue hostile,
dans la maigre et pâle épaisseur d'un jour
Les mains dans l'encre
Ni trek dans l'Anapurna, ni expérience
ashramique à Auroville, pas de Dogons, pas de peyotl, pas de
Touaregs. C'est de la vie dans une imprimerie entourée de collines
du sud de la France qu'il s'agit. C'est dans l'odeur pénétrante des
encres, des colles et du papier qui sent parfois la chaussette où
j'ai plongé. Chaque jour après quarante minutes de trajet en
mobylette je rejoins mon poste d'apprenti relieur-brocheur où dans
l'urgence et le bruit des machines se découvre un monde d'ouvriers
du livre qui ne lit pas comme tout le monde.
Sur la route
Il est 04h20, sur France info l'antenne
est encore aux musiques de films avant que ne commence la redondance
de la journée. Je lance une cafetière italienne sur la B.O du
Parrain que j'avale avec trois cigarettes l'une sur l'autre en
compagnie d' Ennio Morricone et la Panthère Rose. Le temps
d'une douche symbolique et déjà 05h00 sur l'horloge de la cuisine.
Couvert comme pour traverser les Alpes je quitte le centre de
Marseille pour la RN8 qui traverse les petits villages (St Marcel, La
Barasse, La Penne/Huveaune...) qui prolongent la métropole jusqu'à
l'imprimerie H. distante d'une quarantaine de kilomètres. La route
est avec tout ses feux rouge clignotants à l'orange déserte,
chaotique comme si un peu plus tôt des chars l'avaient foulée
laissant derrière eux le macadam blessé et toute présence humaine
repoussée loin du chemin. Seules les lumières des boulangeries qui
telles des checkpoints rappellent à celui qui passe par ici que le
jour se lèvera. Quand le froid trop mordant sur les mains et les
jambes pousse à l'arrêt quelques secondes au pied d'une industrie,
l'odeur piquante ou suave qu'elle transpire pourrait vous amuser à
vous imaginer ce qu'elle engendre de monstrueux ou d'enchanté dans
ses organes d'aciers.
Depuis le parking après un coup d'oeil
jeté vers la lune, on entre par une petite porte qui ouvre sur
l'atelier impression, une espèce d'entrée des artistes sur un côté
de l'imposant bâtiment. L'équipe de nuit a quitté le poste il y a
moins d'une heure, les machines à imprimer offset Heidelberg
dernière génération, qui rappellent avec leurs longues formes
allongées de couleurs gris/verte et de petites passerelles des
paquebots à quai, sont en veille; leurs ronronnements sourds, la
mise en place des palettes de papier à leurs côtés pour que
celui-ci s'acclimate à la température ambiante avant impression,
l'éclairage brutal sur l'atelier à vif, annoncent que le silence et
l'atmosphère fragiles seront bientôt rompus.
Dedans
A l'étage dans la cafétaria il y a
Pierre, un conducteur offset pas très loquace qui assure la relève
en arrivant toujours le premier. Un simple bonjour et nous
fumons en silence une cigarette avant l' immuable scène lorsque
massicotiers, plieurs, offsetistes, pelliculeurs et magaziniers se
retrouvent autour de la machine à café pour l'analyse des résultats
des matchs de foot de la veille et les pourquoi des lotos perdus.
Parmi eux, il y a Patrice le typographe greffé d'une paire de fesses
au bout des lèvres qui change de sujet: dis-moi Nadia! une petite
sodomie matinale! ça te dit!? et comme un défi à mon grade de
débutant: et toi petit! ca te plaît l'imprimerie? Du
Marseille Proust absolument, il est 06h00.
La « typo » que Patrice
« conduit » rappelle une généreuse et féminine Morris
Minor des années cinquante et bien qu'elle soit aujourd'hui à
l'époque du CTP (Computer To Plate) relayée, en raineuse ou en
machine à gaufrer c'est un symbole tout en rondeur aux côtés des
mastondontes de l'imprimerie contemporaine. Il se dessine peu à peu
quelque chose de sensuel dans l'imprimerie H. de lié au corps, en
témoigne notamment l'incessant mouvement de va et vient des presses,
les bruits d'aspirations omniprésents et mêlé aux impressionnantes
avancées technologiques cet écho charnel qui survit aussi dans le vocabulaire: tête et pied de livre, folio fort, folio faible,
suceuses, corps gras, rognures, palpeur, la main...
En apprenti c'est comme manoeuvre que
je suis employé dans l'atelier façonnage où je fais équipe avec
Eric un ancien colonel de l'armée de terre et José, deux
conducteurs d'une chaîne de brochage « dos carré collé »
sur laquelle le premier livre du jour naîtra. Dans le façonnage
« en bas » ou dans l'impression « en haut »,
en 2×8 ou en
3×8, c'est à
tout les stades de la production que le rythme est soutenu,
militaire, entretenu par le Chef d'atelier et son lexique: vous
les branlez pas aujourd'hui, hein! Comme dans la cuisine
d'un Chef il est inutile de chercher une chaise ou un tabouret dans
les ateliers. A l'exception du travail de « table » qui
présente l'avantage trompeur de se faire assis, exécuté par
Fabrice qui, résigné et consciencieux encarte un à un 5000
exemplaires encore tiède d'avoir trempé dans les colles à 160°C.
Ici des colles à résines, pas animale (de peaux et d'os) que l'on
retrouve plus souvent dans le secteur des magazines et des illustrés.
Seulement si le planning le permet
c'est à 09h30 que la pause met fin un temps, à la ritournelle
stridente de la fraise, à l'espèce de musique flammenco des
plieuses, aux bruits de succions de l'assembleuse. C'est le moment de
rejoindre « en haut » Victor avec les offsetistes qui est
à 30 ans le plus jeune de la boîte et à ses côtés, la sensation
de parler à des étrangers s'atténue. Sous un préau tous fument ou
presque, certains mangent. On discute Sarkozy, faits divers,
auto-moto, foot et imprimerie autour d'un bidon d'une fontaine à eau
coupé en deux pour cendrier. Les visages sont fatigués, difficile
voir pour beaucoup « impossible » de s'habituer aux 3×8,
surtout de nuit.
Secrets
Soudain le compresseur retentit,
horloge hurlante, signal de la reprise. Vite vite s'attaquer au
dossier de fabrication, monter de nouvelles palettes lourdement
chargées de cahiers pliés, « caler » la chaîne de
brochage et pas de temps à perdre déjà un transporteur DHL attend.
« C'est pas prêt !» lui hurle le chef d'atelier.
« C'est-Pas-Prêt! » un octave au dessus. Ambiance. A
façonner, un 3000 exemplaires pour la Corse, sur les héros de
l'île, qui doit partir avec un avertissement de l'éditeur à
respecter sous peine de le perdre: pour tout nouveau tirage le
conditionnement sera dorénavant par paquet de 7 exemplaires au lieu
de 10. Trop lourd 10 exemplaires (environ 2,5kg). Trop lourd? Trop
lourd pour le bâteau? pour l'avion? non, pour ceux qui déchargent,
là bas, en Corse. Sourire sur les visages.
Ça passe mal en machine, Eric rumine,
le Chef bouillonne, DHL attend. Les ouvriers ont de l' experience, il
sont nombreux à avoir dans les vingt ans de métier avec un mal de
dos qui maintenant les gouverne. « Tu peux avoir la meilleure
machine du monde numérique et tout, mais un papier de merde, c'est
un papier de merde !». Le papier donc qui pose problème. Par ci,
par là, vous entendrez que le « papier de merde » ça se
généralise dans l'industrie graphique « comme le mauvais pain
en ville ».
Un geste d'un ouvrier de la chaîne
graphique est vérifié par un autre pendant et à chaque nouvelle
étape, un travail d'équipe basé sur la « non-confiance »
qui détermine la bonne qualité du produit. Au début ça surprend
beaucoup mais on comprend vite que devant l'exigence croissante des
clients un « boulot » peut très vite pour très peu
revenir à l'imprimerie.
« T'as mis trop d'air là, c'est
pas bon, ça va bourrer». L'air, difficile de faire sans lui.
Colonne vertébrale de l'imprimerie, l'air traverse toute la chaîne;
apprendre à le maîtriser en manipulant le papier avant de
comprendre quelle alchimie s'opère avec lui en machine. Un air sec
ou humide engage des réglages machines différents. L'air est un
outil, la météo est un facteur influant, l'imprimerie c'est du
vivant. Et une fois l'affrontement avec le papier et l'air remporté
c'est José qui récupère « en sortie » des exemplaires
des « héros corse » qu'il touche, plie et caresse. J'ai
encore le reflexe de lire quelques mots et de m'attarder sur les
images alors que d'un coup d'oeil José perçoit les défauts du
livre, invisible pour un profane. Chaque ouvrier possède sa petite
collection d'ouvrages dans son casier, la plupart n'ont jamais été
ouverts sauf ceux qui traitent de football ou de la vie privée de
Nicolas Sarkozy (que les éditeurs qui surfent grassement sur les
vagues de l'actualité pourraient avoir la politesse de remercier!).
Pourtant malgré l'effet de production intensive, pour la plupart des
ouvriers du livre de l'imprimerie H., chaque ouvrage renferme un
instant, un souvenir ou une difficulté qui fait aimer le métier.
Si Luc Chatel lorsqu'il était chef de
produit chez l'Oréal arrivait chez des amis pour « allais tout
de suite dans la salle de bain examiner les shampooings » j'ai
pour ma part pris l'habitude d'avoir la curiosité de savoir où,
quand et comment un livre que j'achète à été imprimé et déjà
je ne lis plus de la même façon.
Les revues
Ces revues que l'on ne retrouve que dans les bonnes librairies
Caféine :
revue critique toujours debout
Uppercut :
autour de l'oeuvre de William Burroughs
La
violence de l'organisme : revue d'avant-garde féministe
Beurre
noir : gastronomie et anarchie
La
frégate : une revue républicaine
LSD :
revue santé
La
vulve enchantée : musique et porno
La
truelle qui divague : une revue franc-maçonne
Revue 11 septembre : architecture et urbanisme
Frais
de bouche : autour de la vie de Jacques Chirac
La
vie, la vrai : revue littéraire
Toxic :
pour tout public
Les
catleyas : Autour de l'oeuvre de Marcel Proust
Elefant's: revue socialiste
Elefant's: revue socialiste
Le
moelleux : enfin une revue dédiée à la sculpture !
Racailles :
sociologie
Deloc' :
la revue du MEDEF
PC :
études archéologiques
Camembert :
revue univers
Les
mots pour le dire : autour de l'oeuvre de Christian Prigent
Ma
part du gâteau : la revue du palais
Le
revue : revue masculine sur son retour
Testostérone :
à lire toasté et, en stéréo
Pipeline :
revue trans-géographique et trans-genre
Rouge
J'aimerais
aller en France me marier, avoir de l'argent, devenir riche, c'est ça
et surtout avant tout avoir une BMW ROUGE, me marier, de l'argent,
devenir riche et une BMW ROUGE qu'il me faut oui c'est ça qu'il me
faut c'est une ROUGE et de ROUGE, devenir riche, devenir de plus en
plus ROUGE, de l'argent, de là-bas, gagner, beaucoup gagner,
beaucoup gagner ROUGE, je, ROUGE, aller vite en ROUGE et là-bas,
là-bas l'argent, là-bas ROUGE
Le bateau Marseille
A bord du bateau Marseille je
pense à BUK et j’aime voir passer Beyrouth
à gauche New
Delhi à droite Pompéi
dos à San
Francisco croiser (de nuit)
Beckett Bacon Burroughs prés d’une poubelle peinte en bleu blanc
rouge Marseille
SF !
Marseille sciences fictions ! Marseille sans frontières !
Marseille sang dessus dessous ! viennent et vont les rats,
les morts vivants, les sirènes, les odeurs souvent grillées mais on
aime ça ! Marseille SM ! Marseille Sans Merci !
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